Nous sommes dans l’intérieur d’une maison spartiate, à l’heure du repas. La caméra surplombe le foyer central, la lumière éclaire les visages rassemblés autour. Un peu à l’écart d’autres groupes se tiennent sans que l’on sache bien s’ils ont déjà mangé ou si leur tour viendra plus tard. Néanmoins c’est autour de cette activité que s’organise provisoirement toute la vie d’une petite société : les visages éclairés par la lumière du foyer, comme les conversations des hommes à l’écart s’orientent autour du « festin ». Cette scène documentaire est évocatrice d’un contexte culturel précis : les repas ont une grande importance en Chine, y compris, comme c’est le cas ici, chez les plus démunis. Ici l’accumulation de plats différents, leur grande variété en témoigne et donne une impression de profusion. La dégustation du repas convoque, au-delà du goût, toutes les sensations : en dépit du brouhaha ambiant, dans lequel toutes les conversations se croisent, on entend distinctement les commentaires et critiques, parfois peu amènes pour le ou la cuisinière. Il est bientôt recouvert par celui de la friture, le crépitement de la viande jetée dans la marmite centrale. La fumée des plats brûlants apportés au fur et à mesure envahit l’écran et réchauffe les participants serrés les uns contre les autres. A l’instar des sensations olfactives, le goût est à la fois difficile à décrire, et à montrer au cinéma : seuls les commentaires, éventuellement le jeu d’un acteur peuvent y suppléer. Pas d’acteur dans ce film documentaire du réalisateur Wang Bing qui filme le quotidien de 3 fillettes dans un village de montagne isolé à 3000 mètres d’altitude. Cependant on voit dans la séquence que si le repas est une affaire collective, le goût une question personnelle : chaque convive pioche, à son goût, dans les plats, et l’ agrémente avec une sauce les morceaux trempés dans un bol de riz individuel. A la fin de la séquence, la caméra isole le visage d’une fillette et de ses immédiats voisins de table : son visage semble impassible, sans émotion et concentré tandis qu’elle porte la nourriture à sa bouche. Le rythme différencié des baguettes, le bol de riz goulûment englouti par le garçonnet, le bruit des langues qui claquent et qui luisent dans l’obscurité révèlent, au-delà du plaisir gustatif potentiel, le caractère vital et crucial de ce repas partagé, dans un univers précaire , sous une fragile apparence d’abondance. Depuis la foule rassemblée dans la maisonnée fuse un « Poussez-vous ! » pour trouver sa place, et avoir accès à la nourriture, évocateur.
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Nous sommes dans l’intérieur d’une maison spartiate, à l’heure du repas. La caméra surplombe le foyer central, la lumière éclaire les visages rassemblés autour. Un peu à l’écart d’autres groupes se tiennent sans que l’on sache bien s’ils ont déjà mangé ou si leur tour viendra plus tard. Néanmoins c’est autour de cette activité que s’organise provisoirement toute la vie d’une petite société : les visages éclairés par la lumière du foyer, comme les conversations des hommes à l’écart s’orientent autour du « festin ». Cette scène documentaire est évocatrice d’un contexte culturel précis : les repas ont une grande importance en Chine, y compris, comme c’est le cas ici, chez les plus démunis. Ici l’accumulation de plats différents, leur grande variété en témoigne et donne une impression de profusion. La dégustation du repas convoque, au-delà du goût, toutes les sensations : en dépit du brouhaha ambiant, dans lequel toutes les conversations se croisent, on entend distinctement les commentaires et critiques, parfois peu amènes pour le ou la cuisinière. Il est bientôt recouvert par celui de la friture, le crépitement de la viande jetée dans la marmite centrale. La fumée des plats brûlants apportés au fur et à mesure envahit l’écran et réchauffe les participants serrés les uns contre les autres. A l’instar des sensations olfactives, le goût est à la fois difficile à décrire, et à montrer au cinéma : seuls les commentaires, éventuellement le jeu d’un acteur peuvent y suppléer. Pas d’acteur dans ce film documentaire du réalisateur Wang Bing qui filme le quotidien de 3 fillettes dans un village de montagne isolé à 3000 mètres d’altitude. Cependant on voit dans la séquence que si le repas est une affaire collective, le goût une question personnelle : chaque convive pioche, à son goût, dans les plats, et l’ agrémente avec une sauce les morceaux trempés dans un bol de riz individuel. A la fin de la séquence, la caméra isole le visage d’une fillette et de ses immédiats voisins de table : son visage semble impassible, sans émotion et concentré tandis qu’elle porte la nourriture à sa bouche. Le rythme différencié des baguettes, le bol de riz goulûment englouti par le garçonnet, le bruit des langues qui claquent et qui luisent dans l’obscurité révèlent, au-delà du plaisir gustatif potentiel, le caractère vital et crucial de ce repas partagé, dans un univers précaire , sous une fragile apparence d’abondance. Depuis la foule rassemblée dans la maisonnée fuse un « Poussez-vous ! » pour trouver sa place, et avoir accès à la nourriture, évocateur.