Le Mépris

Jean-Luc Godard, France, 1963

Commentaire

Cette séquence a une histoire. Godard n’avait pas prévu de la tourner, mais après avoir vu le premier montage du film le distributeur américain, qui était le principal financeur, exige des scènes où l’on verrait Brigitte Bardot nue. Godard accepte mais ne renonce pas à sa morale de cinéaste : il ne veut pas faire des plans platement sexy où il exhiberait la nudité de son actrice de façon racoleuse. Il fait donc le choix de déréaliser cette scène de Bardot nue avec un travail sur la couleur des plans : « Je l’ai faite d’une certaine manière, d’une certaine couleur, je l’ai éclairée en rouge et en bleu pour qu’elle devienne autre chose, pour qu’elle ait un aspect plus irréel, plus profond, plus grave que simplement Brigitte Bardot sur un lit. J’ai voulu la transfigurer parce que le cinéma peut et doit transfigurer le réel. » En fait les dominantes de couleur (qui ressemblent un peu à un teintage primitif, comme dans l’extrait de Nosferatu) ont été rajoutées au laboratoire, en post-production. La preuve en est que dans cette scène, Godard a laissé un court moment en couleurs réalistes, non retravaillées. Or ce passage (dans les deux sens) entre image normale et image teintée s’opère au milieu d’un plan qui commence donc teinté, qui passe sans coupure à un moment non teinté, puis à un troisième moment à nouveau teinté.

 

Mot-clés

arbitraire chromatique.