Dans Le déjeuner sur l’herbe, un scientifique citadin et austère est séduit par une fille de la campagne. Dans cette scène, Le protagoniste, tout en raideur dans son costume, s’est égaré et tombe par hasard sur la jeune femme. Attiré par son chant et par le feuillage qui bouge, Il se trouve malgré lui dans une situation de voyeur quand elle surgit de son écrin de verdure, la nudité masquée partiellement par des feuillages, et se jette dans l’eau`. Un plan rapproché traduit la pulsion du personnage tiraillé entre la bienséance et la séduction de cette vision édénique. Il évoque aussi les sensations de la baigneuse qui jouit en cette journée d’été visiblement caniculaire de la fraîcheur de l’eau. L’homme commence par s’éloigner avant d’accepter l’invitation de la jeune femme à l’accompagner. Subitement la caméra abandonne les personnages, un lent panoramique sur la nature environnante révèle un berger : au son de sa flûte qui sonne comme un signal, le schéma de la narration classique s’interrompt : les personnages disparaissent de l’écran, comme absorbés par la nature dans laquelle ils se fondent. La scène sexuelle est alors métaphorisée par une succession de plans sur la rivière évoquant de pures sensations : Joncs agités par le vent, algues vertes du courant…Le rythme des plans de plus en plus rapprochés sur l’eau qui dévale, les pierres du cours d’eau censés signifier l’acmé de la jouissance ralentit progressivement. On retrouve au fur et à mesure des plans plus larges de la rivière et de son rivage. L’insert sur l’insecte posé sur une fleur qui évoque la nature prodigue est une allusion décalée à la spécialité du scientifique : la fécondité artificielle… La musique, un peu naive et presque enfantine au début de la séquence, se mêle, à l’approche du berger démiurge, de notes de harpe et de flûte évocatrices d’une pastorale. Elle prend ensuite de l’ampleur et se déploie en symphonie pour accompagner la métaphore. Ce flot de sensations s’adresse au spectateur de manière déconnectée de ce que vivent les personnages. Si Renoir choisit, en lieu et place d’une scène d’amour, une évocation panthéiste et impressionniste de la nature, ce n’est pas seulement par pudeur. C’est aussi pour évoquer la peinture, celle de Manet ( le choix du titre homonyme en témoigne) , et celle de son père : les plans sont parfois semblables à des toiles, avec des camaieux de verts subtils sur lesquels de détachent des notes : le blanc du costume du professeur guindé, le rouge très vif de la robe de la jeune femme, le rose d’une jacinthe.
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Dans Le déjeuner sur l’herbe, un scientifique citadin et austère est séduit par une fille de la campagne. Dans cette scène, Le protagoniste, tout en raideur dans son costume, s’est égaré et tombe par hasard sur la jeune femme. Attiré par son chant et par le feuillage qui bouge, Il se trouve malgré lui dans une situation de voyeur quand elle surgit de son écrin de verdure, la nudité masquée partiellement par des feuillages, et se jette dans l’eau`. Un plan rapproché traduit la pulsion du personnage tiraillé entre la bienséance et la séduction de cette vision édénique. Il évoque aussi les sensations de la baigneuse qui jouit en cette journée d’été visiblement caniculaire de la fraîcheur de l’eau. L’homme commence par s’éloigner avant d’accepter l’invitation de la jeune femme à l’accompagner. Subitement la caméra abandonne les personnages, un lent panoramique sur la nature environnante révèle un berger : au son de sa flûte qui sonne comme un signal, le schéma de la narration classique s’interrompt : les personnages disparaissent de l’écran, comme absorbés par la nature dans laquelle ils se fondent. La scène sexuelle est alors métaphorisée par une succession de plans sur la rivière évoquant de pures sensations : Joncs agités par le vent, algues vertes du courant…Le rythme des plans de plus en plus rapprochés sur l’eau qui dévale, les pierres du cours d’eau censés signifier l’acmé de la jouissance ralentit progressivement. On retrouve au fur et à mesure des plans plus larges de la rivière et de son rivage. L’insert sur l’insecte posé sur une fleur qui évoque la nature prodigue est une allusion décalée à la spécialité du scientifique : la fécondité artificielle… La musique, un peu naive et presque enfantine au début de la séquence, se mêle, à l’approche du berger démiurge, de notes de harpe et de flûte évocatrices d’une pastorale. Elle prend ensuite de l’ampleur et se déploie en symphonie pour accompagner la métaphore. Ce flot de sensations s’adresse au spectateur de manière déconnectée de ce que vivent les personnages. Si Renoir choisit, en lieu et place d’une scène d’amour, une évocation panthéiste et impressionniste de la nature, ce n’est pas seulement par pudeur. C’est aussi pour évoquer la peinture, celle de Manet ( le choix du titre homonyme en témoigne) , et celle de son père : les plans sont parfois semblables à des toiles, avec des camaieux de verts subtils sur lesquels de détachent des notes : le blanc du costume du professeur guindé, le rouge très vif de la robe de la jeune femme, le rose d’une jacinthe.