Huit et demi

Otto e mezzo

Federico Fellini, Italie, 1963, Gaumont

Commentaire

Le film s’ouvre par une scène de cauchemar : un homme se trouve piégé dans un embouteillage, à la sortie d’un tunnel. Nulle échappatoire, l’écran est saturé de voitures qui avancent doucement avant de s’immobiliser. L’homme commence à paniquer, on ne voit pas son visage mais on entend sa respiration qui s’accélère, les coups qu’il donne pour tenter de s’extraire du véhicule, ses doigts qui grincent sur les vitres. Le spectateur est bientôt gagné par l’oppression : l’opérateur filme en plan serré depuis l’habitacle l’homme qui se débat, au bord de l’asphyxie, tandis que la fumée envahit l’écran. La caméra panote pour révéler les autres automobilistes, indifférents, entièrement figés et absents, immobiles, à l’exception d’un homme qui caresse une femme à l’intérieur d’un des véhicules. Soudain, l’homme parvenu sur le toit semble aspiré vers le ciel. La caméra s’élève lentement, à son rythme tandis qu’il glisse le long des voitures et qu’il s’envole dans les airs. Le son fluctue tout au long de l’extrait : les bruits de suffocation paniquée sont remplacés par le vent qui souffle, d’abord doucement puis prend le l’ampleur pour accompagner sa libération tandis que sa silhouette flotte dans les airs. Le spectateur suit le personnage : la silhouette disparaît de nos yeux tandis des plans subjectifs nous montrent les nuages qui s’écartent sur son passage, les fils électriques qui traversent l’horizon. L’origine de ce miracle demeure mystérieux jusqu’au dernier plan : l’homme est attaché à un filin, comme un cerf-volant, un homme sur la plage lui ordonne de descendre. Tandis qu’il coupe le fil attaché à son pied, que sa silhouette disparaît vers la mer et s’éloigne vers la profondeur de champ, on entend de très près la respiration saccadée d’un homme qui se réveille d’un cauchemar.