Quand démarre la séquence, rien précédemment dans le dialogue ne nous a indiqué où le personnage de Nickie se rendait. Par une grande économie de moyens, dans un seul plan panoramique vertical (qui épouse ainsi le mouvement d'ascension que l'on avait éprouvé lors du premier trajet en voiture à Villefranche), nous comprenons que nous allons assister à un retour dans la maison de la grand-mère (et on commence à pressentir pour quelle raison). Ce plan large inaugural, lointain et sans personnage, prend une allure de carte postale, et se place déjà sous le signe de l'évocation nostalgique, du souvenir. Arrivé en effet dans le jardin de la grand-mère, Nicky entre dans le champ comme s'il entrait dans une image-souvenir, de dos, en costume gris ; il a retiré son chapeau un peu comme dans un lieu sacré – et on comprend de plus en plus précisément, toujours sans dialogue, que la grand-mère est morte. On retrouve le même type de plans que lors de la première visite, selon les mêmes échelles (larges), ce qui fait vraiment exister l'espace et donne toute son importance au lieu. Dans le salon, Nicky ressent la nécessité de toucher les objets, comme pour vérifier l'existence matérielle de la réalité, pour que celle-ci reste tangible, ne s'efface pas déjà, ne fuit pas comme du sable. Et c'est par le son que le cinéaste matérialise le souvenir (le retour de la musique jouée), mais aussi par la durée. Nickie touche d'abord le piano, puis le dossier du fauteuil, pour sentir le poids et la chaleur du corps dernièrement appuyé contre (celui de la grand-mère), et, après une hésitation et nous avoir tourné le dos (comme pour, dans un mouvement de pudeur, de dignité, ne pas montrer son émotion, pourtant très retenue, au spectateur), il touche aussi la chaise sur laquelle était assise Terry, dans un geste inutile mais plus fort que lui, dérisoire. L'arrivée du factotum interrompt tout à coup la méditation de Nicky : les lieux ont leurs témoins, leurs employés, dont l'existence, hors champ, précède et poursuit le passage des visiteurs, et c'est ici ce personnage secondaire qui vient servir de messager et confier à Nicky le châle offert en cadeau à Terry par la grand-mère, comme un encouragement post mortem à ce que le couple se retrouve. Ainsi, Nicky finira positionné entre les deux fauteuils, pris dans l'absence de ces deux femmes, avant le fondu au noir pour clore la séquence.
Commentaire
Quand démarre la séquence, rien précédemment dans le dialogue ne nous a indiqué où le personnage de Nickie se rendait. Par une grande économie de moyens, dans un seul plan panoramique vertical (qui épouse ainsi le mouvement d'ascension que l'on avait éprouvé lors du premier trajet en voiture à Villefranche), nous comprenons que nous allons assister à un retour dans la maison de la grand-mère (et on commence à pressentir pour quelle raison). Ce plan large inaugural, lointain et sans personnage, prend une allure de carte postale, et se place déjà sous le signe de l'évocation nostalgique, du souvenir. Arrivé en effet dans le jardin de la grand-mère, Nicky entre dans le champ comme s'il entrait dans une image-souvenir, de dos, en costume gris ; il a retiré son chapeau un peu comme dans un lieu sacré – et on comprend de plus en plus précisément, toujours sans dialogue, que la grand-mère est morte. On retrouve le même type de plans que lors de la première visite, selon les mêmes échelles (larges), ce qui fait vraiment exister l'espace et donne toute son importance au lieu. Dans le salon, Nicky ressent la nécessité de toucher les objets, comme pour vérifier l'existence matérielle de la réalité, pour que celle-ci reste tangible, ne s'efface pas déjà, ne fuit pas comme du sable. Et c'est par le son que le cinéaste matérialise le souvenir (le retour de la musique jouée), mais aussi par la durée. Nickie touche d'abord le piano, puis le dossier du fauteuil, pour sentir le poids et la chaleur du corps dernièrement appuyé contre (celui de la grand-mère), et, après une hésitation et nous avoir tourné le dos (comme pour, dans un mouvement de pudeur, de dignité, ne pas montrer son émotion, pourtant très retenue, au spectateur), il touche aussi la chaise sur laquelle était assise Terry, dans un geste inutile mais plus fort que lui, dérisoire. L'arrivée du factotum interrompt tout à coup la méditation de Nicky : les lieux ont leurs témoins, leurs employés, dont l'existence, hors champ, précède et poursuit le passage des visiteurs, et c'est ici ce personnage secondaire qui vient servir de messager et confier à Nicky le châle offert en cadeau à Terry par la grand-mère, comme un encouragement post mortem à ce que le couple se retrouve. Ainsi, Nicky finira positionné entre les deux fauteuils, pris dans l'absence de ces deux femmes, avant le fondu au noir pour clore la séquence.