Cet extrait saisit le moment de cristallisation du sentiment amoureux entre elle (Terry – Deborah Kerr) et lui (Nickie – Cary Grant), grâce à la présence d'un tiers, la grand-mère de Nickie, que le couple (en formation) est venu visiter à l'occasion d'une escale dans le sud de la France lors d'une croisière (tous deux vivent aux États-Unis). La maison de la grand-mère se situe sur les hauteurs de Villefranche, c'est son lieu et il contient tous ses souvenirs, sa vie, son passé (son mari est mort) mais aussi les souvenirs d'enfance de Nickie. Et c'est lors de cette visite que Terry découvre la sensibilité insoupçonnée de Nickie, notamment artistique. Pendant la chanson chantée par Terry et jouée au piano par la grand-mère, le jeu de regards à trois met en scène cette reconnaissance de l'amour, et Terry est comme adoubée par la grand-mère, grâce à la musique. La sirène du bateau au loin sonne l'appel du départ, d'un autre lieu, et la séparation imminente, peut-être même définitive (très vieille, sans doute la grand-mère voit-elle pour la dernière fois son petit-fils qui vit de l'autre côté de l'Atlantique). Une fois dehors, Terry est le pivot qui reste seule un petit temps dans le jardin (et dans le plan) une fois que les deux autres se sont dirigés vers le seuil, puis qui les rejoint, en entrant dans le champ, à la lisière de ce monde très délimité. On voit très bien l'escalier qui mène au lieu, ainsi que le reste du monde en contrebas, le village, la mer, l'ailleurs, l'étendue sans limite de l'espace, qui semblent ne plus concerner la grand-mère (« c'est la limite de mon petit monde », dit-elle). C'est quasiment le même plan que lors de leur arrivée (voir extrait dans II/A.). Le contrechamp nous montre le jardin à l'arrière-plan, comme pour la dernière fois (nous sommes dans le point de vue de Nickie), même si le petit-fils et la grand-mère font certainement semblant tous deux de croire à un simple au revoir. Retour dans l'axe vers la mer : le couple et la grand-mère sont chacun d'un côté différent de la frontière, Terry et Nickie se retournent plusieurs fois, ils n'arrivent pas à quitter ce « petit monde », jusqu'à l'ultime embrassade entre la vieille dame et Terry. Le fondu et une nouvelle sirène signifient très simplement mais précisément, avec une certaine cruauté, une ellipse (le bateau est déjà loin) et la séparation inéluctable.
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Cet extrait saisit le moment de cristallisation du sentiment amoureux entre elle (Terry – Deborah Kerr) et lui (Nickie – Cary Grant), grâce à la présence d'un tiers, la grand-mère de Nickie, que le couple (en formation) est venu visiter à l'occasion d'une escale dans le sud de la France lors d'une croisière (tous deux vivent aux États-Unis). La maison de la grand-mère se situe sur les hauteurs de Villefranche, c'est son lieu et il contient tous ses souvenirs, sa vie, son passé (son mari est mort) mais aussi les souvenirs d'enfance de Nickie. Et c'est lors de cette visite que Terry découvre la sensibilité insoupçonnée de Nickie, notamment artistique. Pendant la chanson chantée par Terry et jouée au piano par la grand-mère, le jeu de regards à trois met en scène cette reconnaissance de l'amour, et Terry est comme adoubée par la grand-mère, grâce à la musique. La sirène du bateau au loin sonne l'appel du départ, d'un autre lieu, et la séparation imminente, peut-être même définitive (très vieille, sans doute la grand-mère voit-elle pour la dernière fois son petit-fils qui vit de l'autre côté de l'Atlantique). Une fois dehors, Terry est le pivot qui reste seule un petit temps dans le jardin (et dans le plan) une fois que les deux autres se sont dirigés vers le seuil, puis qui les rejoint, en entrant dans le champ, à la lisière de ce monde très délimité. On voit très bien l'escalier qui mène au lieu, ainsi que le reste du monde en contrebas, le village, la mer, l'ailleurs, l'étendue sans limite de l'espace, qui semblent ne plus concerner la grand-mère (« c'est la limite de mon petit monde », dit-elle). C'est quasiment le même plan que lors de leur arrivée (voir extrait dans II/A.). Le contrechamp nous montre le jardin à l'arrière-plan, comme pour la dernière fois (nous sommes dans le point de vue de Nickie), même si le petit-fils et la grand-mère font certainement semblant tous deux de croire à un simple au revoir. Retour dans l'axe vers la mer : le couple et la grand-mère sont chacun d'un côté différent de la frontière, Terry et Nickie se retournent plusieurs fois, ils n'arrivent pas à quitter ce « petit monde », jusqu'à l'ultime embrassade entre la vieille dame et Terry. Le fondu et une nouvelle sirène signifient très simplement mais précisément, avec une certaine cruauté, une ellipse (le bateau est déjà loin) et la séparation inéluctable.