Chat écoutant de la musique

Chris Marker, France, 1990

Commentaire

Un plan sur le clavier d’un synthétiseur, une musique au piano qui commence. La caméra panote alors, dévoilant un chat, allongé de tout son long sur le clavier et qui, comme le titre l’indique « écoute »   de la musique. Car le chat ne se contente pas d’entendre, il choisit, sélectionne, réagit à des moments clefs. Les plans sont très rapprochés, la musique très présente, le spectateur partage l’expérience avec lui, en temps réel. Nous regardons le film et avons, sans aucun doute, le sentiment ou l’impression que le réalisateur, Chris Marker, a réalisé chez lui, simplement, la simple captation d’un épisode de son quotidien. Il s’agit pourtant d’un film (en entier, avec un titre et un générique de fin) très construit : une retranscription de l’expérience du chat, des effets visuels de la musique sur lui, à travers un travail de montage étudié : une succession de gros plans dont le montage épouse le rythme du piano et qui atteste que le chat apprécie et participe activement : les pattes qui bougent imperceptiblement, l’oreille frémit, la griffe qui appuie sur les touches du clavier. Ces plans sur l’animal sont montés en alternance avec un plan sur l’enceinte fixée au mur, ou le témoin lumineux clignotant de l’amplificateur, que le chat semble regarder. Si soudain Il se réveille inopinément, fixe la caméra avant de s’endormir à nouveau, comme pour témoigner au spectateur de la réalité de son expérience, il est impossible de dire même si ce moment a eu lieu, et si la musique n’a pas été ajoutée, après -coup, au montage. Néanmoins Chris Marker donne l’étonnante impression que l’on peut rentrer dans l’intériorité sensorielle de l’animal. Il témoigne aussi, à travers les plans d’ensemble de son chat allongé sur son lit-clavier surplombé de photos qui dévoilent quelques éléments de son intimités (photos, papiers, cassettes...) de sa propre expérience, des sensations liées à la quiétude et au bonheur domestique partagés avec son animal de compagnie. La caméra caressante, le rythme lent de la musique, les plans sur la fourrure mobile de l’animal donnent presque la sensation au spectateur qu’il lui suffit d’approcher la main pour caresser le chat, ou l’envie de s’alanguir comme lui, le temps d’une sieste musicale.