Alain Bergala est critique, cinéaste, enseignant. A travers un choix d’extraits, il met en lumière les enjeux de quelques situations emblématiques et universelles, que l’on retrouve dans toute l’histoire du cinéma.
Voir et faire : une question de cinéma spécifique pour découvrir et explorer différents paramètres du cinéma (choix de mise en scène, son, lumière, jeu d’acteur, montage…), et des ressources pour l’explorer en situation pédagogique. La situation en question : au fil des situations qu’ils traversent – que celles-ci soient désirées ou imposées, répertoriées ou inconnues - les personnages changent, se métamorphosent ou même parfois basculent à l’occasion de moments décisifs.
Tout récit est ce qui se passe dans la boite noire du film entre la situation initiale et la situation finale. Au début du film se constituent les personnages, leurs rapports, les enjeux de la fiction. Le film avance ensuite, de situations en situations (parfois récurrentes), avec parfois des moments où la situation bascule.
La rencontre (surtout amoureuse) permet souvent de lancer et de faire évoluer le scénario. Elle met en jeu une spécificité de la mise en scène : l’intervalle entre deux figures, qu’il s’agira de réduire jusqu’au contact physique des personnages, après échanges de regards et de paroles. Au cours de l’histoire du cinéma, les cinéastes ont souvent filmé des situations identiques, comme celle de la rencontre amoureuse, car les situations avec lesquelles se construisent les récits sont finalement en nombre réduit.
C’est la situation même du spectateur en train de regarder un film, avec des personnages qui ne le voient pas. Tout spectateur est en position psychique de « voyeur » du petit monde de la fiction que lui propose le film. Cette situation met en scène le désir de voir. La distance du regardeur à ce qu’il observe de loin met en jeu des pulsions fondamentales et universelles auxquelles le spectateur du film est invité à s’identifier : désirer, être jaloux, envier, chercher à identifier et à comprendre, pulsion meurtrière, etc. Elle se décline selon le choix de ne pas être vu ou au contraire de s’exposer à la vue de l’autre, de réduire la distance, voire d’entrer en contact.
La honte est un sentiment connu de tous, adultes et enfants. Elle naît dans des situations où un personnage prend conscience d’un rapport douloureux à sa place ou à son statut dans le monde, d’un décalage entre lui et les autres. La mise en scène d’une situation de honte engage nécessairement la question du point de vue et de l’identification.
La gare est un site très riche en potentiel de situations de cinéma : attendre, retrouver, quitter, rencontrer, arriver, partir, suivre, fuir… La topographie de la gare est universelle (la salle d’attente, le quai, les voitures, les compartiments) et très riche en possibilités de variations du point de vue et de mise en scène. Du point de vue scénaristique, la gare est un lieu de passage et de brassage qui justifie toutes les rencontres arbitraires. Du point de vue dramaturgique, elle est moment d’attente, de temps suspendu mais aussi dramatisé (horloges, annonces) par l’échéance du départ d’un train à une heure fixée et inexorable, créant un suspense et un compte à rebours.